Pêcheurs d’Indo

Pêcheurs d'Indo

VOYAGE

RENCONTRE SOUS MARINE

C’est une île. Une toute petite île. Un petit truc de rien. Un bout de terre perdu . A l’est de l’est de l’Indonésie, au nord du nord de l’Australie , tout près de la Papouasie… Nusan Tengara. Les petites îles de la sonde en plein milieu milieu du détroit de Pantar, au cœur de l’archipel d’Alor :  Kepa.

Trois jours de voyage intensif. pour y arriver. La taille de l’avion diminue d’escale en escale, au fur et à mesure qu’on approche. Puis vient le bemo (minibus collectif local), et la petite barque de pécheur au moteur pétaradant. Bien qu’elle se trouve à seulement 200 mètres de l’île principale, Kepa est isolé par les très forts courants qui l’entourent. La barcasse lutte avec obstination au milieu des tourbillons, elle donne plus la sensation de reculer que d’avancer et pourtant, ça y est, on y est.
Le pied  pénètre dans le sable d’un blanc aveuglant, la plage est bordée d’arbres au vert mystérieux, tacheté ici et la du violet éclatant des Bougainvilliers. L’impression d’un monde que l’on pourrait penser hors du temps, envahie les sens sur cet Ilot à la Robinson Crusoë. C’est perdu, c’est beau, c’est chaud.
Depuis les années 80, la plupart des familles ont déménagé sur l’ile principale, dans le village d’Alor Kecil, où se trouvent des puits d’eau douce, des accès routiers et même l’électricité publique.
Il reste juste une soixantaine d’âmes qui peuplent l’est de l’ile. Ils vivent de la pêche, du commerce dans les marchés voisins, ou travaillent à l’éco-village crée il y a une vingtaine d’années par un couple de français, Cédric et Anne.
Construit, en coopération avec les habitants, le « resort «  comprend une dizaines d’habitations, allant de la  “hutte » traditionnelle indonésienne, au bungalow avec électricité solaire, en passant par le centre de plongée, où Cédric emmène les « hommes grenouilles », venus du monde entier découvrir les beautés sous marine de la région.
Hallucinants de couleurs, riche d’une biodiversité incroyable, les fonds sous- marin font partie des spots réputés, que tout «plongeur voyageur » digne de ce nom doit absolument avoir inscrit sur son carnet de plongée.
Plonger à la Kepa, est un rendez vous avec des tombants abyssaux tapissés de corail vierge, de gorgones géantes mais surtout une belle rencontre avec d’innombrables « freaks », membres de cette faune sous marine qui ne ressemblent à rien, et se mimétisent en tout. Les Martiens de la planète mer. Poissons grenouilles, poissons feuilles, poissons scorpions, rhinopias, et autres uranoscopes… Il y a aussi les nudibranches, ces espèces de limaces aux couleurs irréelles qui font exploser le nuancier avec des tons qu’on ne savait même pas exister. Ils transforme le bleu de la mer. Pigments. Teintes. Nuances…. Le bleu devient arc-en-ciel.

SOUS L’EAU IL N’Y A PAS QUE DES POISSONS

Kepa est traditionnellement l’endroit où la tribu «Menglolong» s’est établie. C’est l’une des plus anciennes tribus de la communauté d’Alor Kecil, celle qui a son histoire d’origine dans la mer. Elle serait selon la légende, sorti des eaux pour habiter l’ile. Peuple de pêcheur, filet, nasse, harpon ou fusil, ils perpétuent l’activité traditionnelle tout autour de l’ile. Et se refusent aux techniques de pêche destructrices, comme les filets à mailles fines, le cyanure ou la dynamite, qui endommagent les récifs et appauvrissent les ressources. Il n’est donc pas rare, tout au long de nos pérégrinations sous marine, de les rencontrer, en pleine activité. Daing Mudiolang alias Bapak (père) Daing, est un de ceux la. Il pose des « boubous » nasses en bambou tressé tout autour de l’ile. C’est le seul à pêcher, en usant de cette technique ancestrale. Il fabrique lui même ses pièges à poissons, comme le faisait son père, et son grand père. Equipé des « kacamata », petites lunettes de plongée en bois, il dispose  ça et la ses pièges à poissons tout autour de l’ile. Sa connaissance intime des marées, des courants, & son aptitude étonnante à se déplacer sous l’eau lui permet de disposer les nasses dans les lieux les plus poissonneux.
Il est capable de rester quatre ou cinq minutes en apnée, à une profondeur d’une quinzaine de mètres, pour caler ses casiers avec des pierres récoltées sur le fond.
C’est un spectacle hors du commun, de le voir se déplacer sous, et sur l’eau, avec une facilité déconcertante, plongeant ou tirant sa barque dans le courant comme si de rien n’était. Évoluant en symbiose, comme une composante naturelle de cet écosystème. Les nasses sont relevées tous les trois ou quatre jours en fonction des marées , et même si les récoltes ne sont pas abondantes, Vendu au marché sur l’ile principale, elles assurent un petit revenu régulier à la famille. Les poissons de roche, ayant une valeur marchande moindre que les pélagiques comme les thons ou les carangues. Bapak Dieng essaye souvent lors de ses trajets vers ses lieux de pêche, les nuits de pleine lune, d’améliorer l’ordinaire en posant une ligne de traine pour essayer de capturer ces poissons de pleine eaux à la chair prisée.

Une séance de snorkling autour de l’ile, laisse place a la rencontres avec  des chasseurs sous marin. Muhamad Kari, alias Bapak Sere est un de ceux la. Bapak Sere chasse le mérou ou les poissons pélagiques. Restant posté, aplati sur le fond, regard vers le large, attendant le passage d’un thon à dent de chien, ou d’un banc de carangues à gros yeux… Pas de palme, pas de masque, juste ses petites lunettes de bois et son arbalête artisanale fabriquée à l’aide d’un long morceau de bois, d’une tige de fer pointue, et de chambres à air faisant fonction de sandow. Il glisse dans l’eau tel un poisson, donnant l’impression d’avoir une relation hors du commun avec la mer.

A l’image des Badjao, cette peuplade nomade vivant sur des bateaux un peu plus au nord vers les Sulawesi, ayant développé une aptitude hors du commun  pour la chasse sous marine. Leur organisme s’étant, au fil des générations, génétiquement adapté au milieu. Dans une étude récemment publiée par la revue américaine Cell, des chercheurs ont observé que la rate – organe capable de libérer des globules rouges et qui joue un rôle dans le réflexe de plongée – des Badjao était 50 % plus grosse que celle des autres habitants de la région. Une caractéristique physique qui facilite l’endurance en apnée. Certains Badjao sont capables de rester en apnée plus une dizaine de minutes à des profondeurs impressionnantes. On parle de treize minutes à soixante mètres de profondeur… Un truc inhumain, même pour les apnéistes renommés.

DÉCOMPRESSION

Au milieu de ces journées sub-aquatiques, un jours de déco-stop agrémenté d’une visite  sur la grande ile, n’est pas une sinécure.

Il suffit, une fois de l’autre coté du détroit de louer un “Ojek”, un chauffeur qui nous emmène sur sa moto, plutôt sur sa mobylette, et se charge de l’excursion. Direction Kalabahi, la ville, son marché, et puis hop, la route vers la montagne, et ses village. Une température presque fraiche nous accueille dans la grande forêt à près de 800m d’altitude.

Arrivé à Takpalak au bout d’une heure de mob, la route fait place à un chemin peut carrossable. On apprécie l’arrêt pour soulager le mal de séant sur une selle très inconfortable.  La montée à pied est salutaire. Le village est construit de huttes traditionnelles, avec une espèce de grande surface ajourée au rez de chaussée, et le lieux de nuit au premier. Un homme sort de la maison, et commence à nous parler en bahasa. Les Ojek étant restés en bas du chemin pour garder leurs engins On se comprend, mi signe, grands sourires, et en fait il nous invite à boire le café, nous présente sa famille, montre des photos de lui en costume traditionnel, et nous montre son Moko, un tambour traditionnel en bronze typique de l’ile. Il y en a des milliers dans l’île, les Alorais les auraient trouvé enfouis dans le sol, et les considèrent comme un dons des dieux.
On fait rapidement un dessin montrant d’ou nous venons, ou on habite, Mappemonde, la France hexagonale en prend un coup, mais bon, il faut bien expliquer… Le temps passe, on déguste ce café très sucré, on sourit, c’est fou comme le sourire ouvre toutes les portes par ici, on fait une photo souvenir et puis, plein de remerciements, on repart.

Direction un autre village… La route est jalonnée de maisons, il y en a sur des km et des km .Les gamins rentrent de l’école, tous en uniforme. Ils n’arrêtent pas d’hurler des “ Eh Mister ! Mister !” Il faut répondre d’un petit salut. Il forment une vrai haie d’honneur, et ils appellent  encore Mister!!! Mister !!! Et Mister, il faut bien qu’y réponde,  même si on a encore plus mal au fesse que tout à l’heure, alors droit sur la mob, on salut, d’un petit geste de la main comme  “la reine d’Angleterre. « 

La route serpente, monte, les barques des pêcheurs se détachent en contre-jours, la vue sur la baie est splendide.
La lumière commence à prendre les teintes jaunes de la fin de journée. les ciels indonésiens sont d’une terrible beauté. De ceux qui donnent envie de rêver. Celui la est chargés de nuages ventrus, énormes. Au beau milieu de tout ça, la masse incandescente du soleil qui vient rebondir comme une grosse bille rouge. Les blocs s’entrechoquent, rebondissent, essayent de s’accrocher l’un l’autre désespérément. A bout de force, la lumière disparaît, happée, écrasée entre deux gigantesques cumulo-nimbus noirs comme de l’encre de seiche. Chemin faisant, l’Équateur les a remplis d’une eau chaude, et lourde, qui va s’abattre tel le rideau impitoyable d’une scène de théâtre… Fin du rayon rouge… Fin du spectacle…La palette est complète.

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